Titre : La distribution alimentaire à Dakar face aux défis de l’urbanisation et de la métropolisation. De l’ancrage des petits commerces de proximité  et de détail à l’émergence des supermarchés Auchan ?

Ce travail professionnel et de recherche s’est déroulé sur la période du 07 juin au 4 août 2019 dans la région de Dakar, Sénégal.

La compréhension de l’ensemble de la chaîne de distribution alimentaire dans la région de Dakar met des jeux d’acteurs et des intérêts économiques et politiques multiples. L’étude de la cohabitation des systèmes de distribution alimentaire traditionnels et les nouvelles formes de distribution  apparaît comme le moyen d’analyser leur rapport de complémentarité et limites. La classe moyenne émergente offre des opportunités d’innovation considérables aux entreprises de la grande distribution. En plus, cette dynamique s’accompagne d’une mondialisation des habitudes alimentaires qui touchent toutes les classes sociales. C’est-à-dire, manger de plus en plus ce qu’on trouve dans les supermarchés et grandes surfaces : laitages, fromages, viandes, conserves, etc. Toutefois, la classe moyenne dakaroise a une consommation très hybride. Elle garde des comportements de consommation et d’approvisionnement  de base assez traditionnelle.

Les principales conclusions : 

  • Depuis le début des années 2010, Dakar connaît une implantation massive de nouveaux formats de distribution étrangers qui viennent se greffer à son paysage commercial, bouleversant au passage les modes d’organisation du secteur et les pratiques d’achat et de consommation.

  

  • L’importance du secteur informel est directement liée au mode de consommation des ménages et à la faiblesse de leur pouvoir d’achat. En effet, ils préfèrent généralement acheter les vivres de base les moins chers, distribués avec un minimum de valeur ajoutée, de qualité et de diversité. De plus, les ménages sont faiblement équipés en automobiles, réfrigérateurs ou congélateurs, et doivent donc réaliser leurs achats dans des lieux proches du domicile de façon quotidienne. L’offre la mieux adaptée à ce mode de consommation est de type informel, avec de nombreux points de vente, voire ambulante, contre laquelle la grande distribution n’est généralement pas compétitive.
  • Ces supermarchés et épiceries libre-service restent très modernes et séduisantes pour les consommateurs aux revenus importants et modestes mais ils ne jouent pas un rôle important dans la distribution des fruits et légumes. Le travail de visite des supermarchés et des différents marchés de Dakar m’a permis de constater cette réalité. En effet, les marchés constituent de loin les lieux privilégiés par les femmes surtout pour s’approvisionner en produits frais, qui sont souvent très périssables et très sensibles à la chaleur. 
  • La combinaison de mon expérience professionnelle et de ce travail de terrain m’ont permis d’identifier que le secteur de la grande distribution alimentaire peut devenir, s’il est bien encadré par les pouvoirs publics, un levier de développement économique, de création d’emplois, de lutte contre la précarité et l’insécurité alimentaires dans les villes et les zones rurales, de développement des bassins de production agricoles et des filières de transformation, le secteur de l’agroalimentaire en particulier.
  • Les supermarchés font face à de nombreux obstacles à la fois structurels, sociaux, économiques et politiques.
  • La prolifération des supermarchés Auchan ne signe en rien la fin des marchés informels et des petits commerces de proximité et de détails. L’importance d’apporter une réponse durable à l’absence de modernisation de l’appareil commercial, alimentaire en particulier à Dakar ne réside pas uniquement à toujours copier le modèle occidental de réglementation de la grande distribution ou mettre en avant le regard colonial du Sénégal avec la France pour rejeter tout investissement économique.
  • Une nécessité, conserver et moderniser le petit commerce pour éviter l’effondrement d’un modèle d’organisation sociale des ménages dont les femmes et les jeunes sont des socles pour la résilience des systèmes socio-économiques des familles. En effet, les femmes présentes dans les marchés et dans les rues sont en grande partie celles qui entretiennent les ménages avec les bénéfices tirés du commerce. 
  • Ayant vécu une expérience similaire pendant ma jeunesse, je sais à quel point les activités génératrices de revenus des femmes qui s’activent dans le petit commerce est vital pour nourrir, payer les frais de scolarité et de santé de leurs enfants pendant que leurs maris sont à la retraite sans aucune pension économique ou alimentaire. 
  • Les différences d’organisation sociale de la société sénégalaise très différente du modèle occidental où l’on peut toujours compter sur des allocations financières de l’Etat, des indemnités de retraites, doit aussi pousser les autorités politiques à bien réfléchir sur le modèle à mettre en place pour avoir une cohabitation des petits commerces de proximité et les grandes surfaces alimentaires, très différentes des petites supérettes ou des petits casinos, au vu de leur moyens financiers et de leurs capacités à contrôler tout un marché national et à imposer leurs lois commerciales. 
  • Quant aux jeunes ambulants présents le long des axes routiers et dans les marchés, ils jouent un rôle vital dans l’entretien et la résilience des ménages, souvent situés dans les zones rurales. 

Bref, au vu du poids social et économique des petits commerces, l’Etat doit définir une politique de réglementation du commerce alimentaire basée sur un modèle économiquement viable, socialement équitable et écologiquement durable. Toutefois, la réussite de cet objectif est aussi tributaire des politiques d’accompagnement notamment la consolidation du cadre macroéconomique, la réforme du marché du travail, la refonte du système de formation professionnelle, etc. Des  initiatives  s’inscrivant  dans  ces  axes  stratégiques  devraient  être  soutenues  de  manière  à construire, à petite échelle, les bases d’un système de distribution alimentaire inclusive et durable pour l’économie de la région et des bassins de production agricole des régions intérieures du pays.

Un grand merci au groupe Auchan Sénégal, aux acteurs du petit commerce (les femmes en particulier) et aux consommateurs qui ont participé à cette étude.

Adaptation et résilience  des systèmes socio-économiques du Gandiolais à l’aune de la brèche. Quels apports pour le maraîchage, l’exploitation du sel et les organisations de femmes et de jeunes ? 

Ce travail de recherche s’est réalisé sur la période du 20 janvier au 30 avril 2018 dans la commune de Ndiébène Gandiole au Sénégal en partenariat avec le Centre de Suivi Ecologique (CSE) de Dakar qui m’avait accueilli et appuyé techniquement durant cette période. 

L’agriculture, secteur clé des économies africaines, est l’une des voies principales de lutte contre l’insécurité alimentaire, la pauvreté et le sous-emploi. Elle joue un rôle vital, voir nodal dans les conditions de vie des populations. En 2003, le gouvernement décide d’ouvrir une brèche de 4 mètres de large pour permettre à l’eau du fleuve de se jeter dans la mer afin de sauver la ville de Saint-Louis (ville située au Nord-ouest du Sénégal) des inondations.
Dès années après, la brèche fait plus de 6 kilomètres, bouleversant tout l’écosystème du bas estuaire de la région. La commune de  Ndiébène Gandiole, qui était un des greniers agricoles de la région, est menacée par la salinisation des nappes et des terres. Les conséquences sont drastiques : des milliers de femmes, d’hommes et des jeunes se retrouvent sans emploi, ni revenus. 

Pour s’adapter face à cette situation, les femmes diversifient leurs activités économiques, les jeunes partent en ville ou prennent les pirogues pour aller dans les côtes espagnoles.
Les systèmes agricoles modernisent : de l’installation des systèmes goutte-à-goutte à la création des forages, alimentés avec des énergies propres comme le solaire, pour capter les nappes profondes. Des anciens émigrés font leur retour au bercail, mobilisent les jeunes et font de la culture, l’élevage, l’agriculture et l’éducation des leviers de développement communautaire.

Les principales conclusions : Ne passons pas à côté de ce qui demain fera du Gandiolais un terroir résilient.

  • L’avènement de la brèche avec ses répercussions négatives sur les activités économiques fait naître une nouvelle dynamique de développement communautaire qui se définit comme une action réalisée dans un objectif socio-économique orienté vers la satisfaction d’un besoin collectif de base (alimentation, santé, éducation, travail, infrastructures de base, etc.) d’une communauté d’hommes et de femmes leur permettant de s’épanouir dignement. C’est-à-dire, de valoriser les qualités du terroir Gandiolais (ressources naturelles, atouts démographiques et touristiques, patrimoines culturels et historiques, etc.), d’en minimiser les handicaps et de contourner les contraintes. 
  • Une adaptation résiliente dépendra d’une meilleure définition de politiques publiques visant à renforcer la formation des acteurs sur les nouvelles activités économiques moins dépendantes des conditions climatiques et hydrauliques : la couture, le commerce, l’aviculture, l’entreprenariat féminin, le tourisme et la culture, par exemple. Ces formations ont l’avantage de permettre aux jeunes et femmes d’avoir une qualification, 
  • La réalisation d’aménagement comme le canal du Gandiolais permettra non seulement d’avoir de l’eau douce pour diversifier les cultures, mais aussi ils accompagneront toutes les innovations réalisées par les maraîchers dans la modernisation des itinéraires techniques agricoles : systèmes de goutte-à-goutte, la motorisation des systèmes de drainage de l’eau, l’installation des systèmes solaires.
  • la résilience des systèmes socio-économiques du Gandiolais doit aller au-delà des solutions techniques. Aucune des solutions techniques ne saurait suffire à elle seule. Leur efficacité dépend des politiques et des modalités de coopération adoptées à toutes les échelles. Cette efficacité peut être renforcée par des mesures intégrées reliant l’adaptation et la résilience à d’autres objectifs sociétaux. Investir davantage sur des programmes de développement sociaux et humains (éducation, santé, formation, etc.) sera un grand pas en avant. Ces mesures politiques se matérialiseront, certes, dans le long terme, mais ce sont des leviers de développement durable dont l’effet multiplicateur se révèle le plus solide.  
  • Appuyer les associations de jeunes: les autorités locales ainsi que les services techniques de l’Etat et les partenaires au développement doivent appuyer les associations de jeunes dans leur logique de faire de l’éducation des enfants et la santé des priorités vitales pour l’adaptation, mais aussi permettre aux générations futures d’avoir des possibilités de s’orienter dans les études supérieures et des formations professionnelles. Autrement dit, leur permettre d’avoir un métier pour soulager leurs parents dans l’entretien du ménage.       

Une expérience inoubliable d’aller à la rencontre de ces femmes et jeunes très dynamiques. Un grand merci à vous !

Choix politiques et Covid-19 au Sénégal : le poids de l’informel et les femmes comme remparts socio-économiques
La collection « Regards sur le SARS-CoV-2 dans l’espace des sociétés »  du laboratoire Médiations, sciences des lieux, sciences des liens de Sorbonne Université

Une contribution sur la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus dans un pays où le secteur informel occupe plus de deux tiers de la population. 

Cartographie des enseignes de la grande distribution alimentaire françaises installées à Dakar et impactées par les récentes émeutes.

Début mars, le Sénégal, particulièrement la région de Dakar fait face à un soulèvement populaire. 
Les facteurs explicatifs sont loin d’être que politiques. Les conséquences sont dramatiques.
Lors de ces émeutes, les entreprises françaises présentes dans la région de Dakar ont subi des attaques : pillage et destruction. Parmi elles, le groupe Auchan Retail est plus touché comme en illustre cette cartographie. En résumé 19 des 33 enseignes ont été victimes. Le groupe Carrefour a vu ses deux enseignes localisées au Point E (Carrefour-market) et à Guédiawaye (Supeco Golf) touchées. 

Découvrez l’intégralité de la publication dans la revue internationale Diploweb en cliquant sur la carte.

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