8 mars 2021 : Célébration de la Journée Internationale des droits des Femmes
Dans les pays ouest-africains, la dépendance d’une grande partie des activités économiques aux ressources naturelles constitue une source de vulnérabilité dans la création de revenus pour les femmes. Ainsi, se développent des stratégies visant à sécuriser les revenus des ménages dans les villes comme dans les milieux ruraux. Ces stratégies passent en grande partie par une diversification des activités économiques qui est un élément important de l’évolution de l’économie rurale et urbaine.
Résilience des systèmes socio-économiques et genre : jamais l’un sans l’autre
S’adapter pour renforcer la résilience des systèmes socio-économiques devient une nécessité qui doit mobiliser toutes les couches sociales sans distinction de groupes ethniques ou de statut social. Cette prise de conscience a l’avantage de préparer les communautés aux chocs et aux rebonds. Dans ces conditions, l’intégration des femmes dans les projets de développement et d’adaptation favorise la mutualisation de leurs capacités. Selon la convention pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée par l’assemblée générale des Nations-Unies en 1979, « la discrimination des femmes viole les principes de l’égalité des droits et du respect de la dignité humaine, tout en leur obstruant le chemin de toute participation à la vie politique, sociale, économique et culturelle ». Alors qu’avec l’adoption des objectifs de développement durable dans le pays en voie de développement, africains en particulier, la pleine participation des femmes est primordiale pour un développement inclusif. Traditionnellement, les femmes africaines, sénégalaises en particulier, constituent une force sociale et de travail non négligeable en milieu rural et urbain. Elles utilisent et gèrent des ressources naturelles dans des conditions différentes des hommes, assurent la satisfaction des besoins de base pour le ménage.
Au Sénégal, les femmes constituent un peu plus de la moitié de la population totale. En plus de leur poids démographique, elles jouent un rôle essentiel dans l’économie domestique et nationale. Elles assurent des fonctions importantes pour le bien-être de la famille. Outre les tâches ménagères, elles assurent et veillent à la santé et à l’éducation des enfants. Les faits socio-économiques sont différents selon les milieux et les époques et les femmes n’ont pas toujours eu les mêmes responsabilités au sein de l’organisation de la vie familiale. Avec la dégradation des sources de revenus des hommes, le statut de la femme au sein de la famille change. Les hommes jusqu’alors détenteurs du pouvoir économique se trouvent dans le besoin d’être appuyés dans leur rôle de garant de la survie pour la famille. Autrement dit, l’organisation sociale autour de la résilience des ménages a évolué : l’affectation des tâches traditionnelles du ménage change et responsabilise davantage la femme dans la sécurité alimentaire et la création de revenus. Par conséquent, la tradition de l’homme ayant la charge de nourrir les membres du ménage commence à être désuète, et les femmes se voient de plus en plus dans l’obligation de chercher des activités génératrices de revenus pour subvenir aux besoins de leur famille. Ces besoins sont variés, allant des dépenses d’alimentation, d’éducation, de santé, de loisirs des enfants aux frais d’investissement dans leur table.
Les femmes : socles de la structure socio-économique des ménages
Aujourd’hui, les femmes sont présentes plusieurs domaines d’activités dont le commerce, le maraîchage, l’exploitation et la vente du sel, la transformation de produits agricoles, la vente de céréales, de fruits et légumes, etc. Elles se constituent en associations de solidarité telles que les associations de classes d’âge. Elles s’orientent dans des projets de développement agricoles et développent des initiatives de financement plus responsables.
Le commerce, une activité de reconversion pour les femmes ?
Avec les moyens financiers importants que demande le travail de la terre, les femmes sont obligées de s’orienter dans de nouvelles activités plus adaptées à leur situation économique mais aussi familiale. En d’autres termes, elles cherchent une activité qui demande peu d’investissement financier tout en restant près de leurs familles comme vendre des fruits ou des légumes dans les marchés. Certes les revenus tirés du commerce sont marqués par une grande irrégularité car très dépendants de la situation du marché, mais ils permettent aux femmes de satisfaire les besoins vitaux de la famille : les frais d’éducation, de loisirs et de santé des enfants, les besoins de cérémonies traditionnelles (les mariages, baptêmes, les cotisations dans les « tour, mbootaay et tontine » et les dépenses d’équipements du domicile). D’où le caractère socio-culturel de ces dépenses personnelles des femmes.
Une nouvelle stratégie de financement des femmes dans le Gandiolais
Dans les villes comme dans les espaces ruraux, les femmes réussissent à développer des initiatives pour financer leurs propres activités. Cette situation s’explique en grande partie par leur forte capacité à mobiliser leur énergie pour travailler dans des systèmes d’épargne traditionnels et modernes.
Les systèmes traditionnels d’épargne : « tontine», « mbootaay » et « tour»
Regroupant souvent des femmes de même classe d’âges, les « tour, mbootaay ou tontine » constituent des modèles d’épargne fondés sur des liens socio-culturels. Ces pratiques d’économie sociales et populaires sont enracinées dans le socle social et économique des sociétés africaines.
Les Associations villageoises de Crédit et d’épargne (AVEC) et la Fédération des villageoises de Crédit et d’épargne (FAVEC) dans la Gandiolais
Initiées pour la première fois selon la présidente du FAVEC en 2014 dans le village de Tassinère par des organisations de femmes, les AVEC sont une nouvelle forme d’épargne pour promouvoir l’autonomisation financière des femmes. Le système de cotisation mis en place est fonction des moyens dont disposent les femmes. Lors de sa création en 2014, les cotisations variaient entre 200F CFA et 1000F CFA (0,30 à 1,52 €) et sont versées tous les lundis. En plus de ces cotisations, les femmes ont développé une caisse de solidarité. En effet, après chaque cotisation du lundi, tout membre à l’obligation de donner 50F CFA (moins de 10 centimes) pour la caisse de solidarité pour les AVEC et 1.000F CFA (1,52 €) par mois pour les FAVEC. Cette caisse assure des fonctions sociales importantes : appuyer les femmes qui ont des besoins urgents (payer des factures d’eau, d’électricité, d’ordonnance avec un délai de remboursement de 15 jours) et les ménages en difficultés pour couvrir leurs dépenses quotidiennes ou encore aider les mosquées et les écoles coraniques des villages à acheter des matériels de base comme les tapis.
Conclusion
Les femmes constituent des actrices majeures de la vie économique, sociale et culturelle. Cette importance est intimement liée aux multiples tâches qu’elles accomplissent au quotidien et dans différents domaines. Au regard de toutes ces mutations observées lors de mes voyages de recherche au Sénégal, ces femmes devraient bénéficier d’une attention particulière dans les processus de développement et d’adaptation. Car, une bonne adaptation des femmes se fera ressentir dans la famille voire dans l’économie locale. A travers cette publication, je m’associe avec tous les membres de Dunya-Ethic pour souhaiter une bonne fête à toutes les femmes du monde, particulièrement à celles qui ne sont pas dans les bureaux ni dans les administrations publiques ou privées, mais elles comptent. Leurs activités sont vitales pour des milliers de famille.
Une publication disponible sur le site de l’association Dunya-Ethic : https://dunya-ethic.com/adaptation-et-resilience-des-systemes-socio-economiques-en-afrique-de-louest/